Jour 7. Ces rêves qui nous hantent toute la vie

Avez-vous de ces rêves que vous faites régulièrement? Qui reviennent ici et là, tout au long de votre vie?

Des rêves sur un moment précis de votre vie, que vous revivez en boucle?

Un rêve dont la matrice centrale est toujours la même, même s’il se décompose en de multiples variantes?

J’ai un tel rêve.

J’ai un rêve que je refais sans cesse, et ce, depuis l’adolescence. Un rêve qui revient de façon cyclique me hanter, au moins une dizaine de fois par année, sinon plus.

Et ce matin, je me suis réveillée de mauvais poil parce que j’ai fait ce rêve récurent.

Je me suis réveillée de mauvais poil, parce que je me sens toujours nulle quand je sors de ce rêve…

Bon, ce n’est pas une rêve bien méchant. Mais le fait qu’il reviennent sans cesse me hanter me perturbe beaucoup. C’est un peu comme si j’étais prise dans un labyrinthe duquel je suis incapable de trouver la sortie.

C’est un rêve qui me ramène à l’adolescence, à l’époque où je faisais partie des Cadets de l’aviation royale du Canada.

Vous connaissez, ces associations paramilitaires destinées aux jeunes de 12 à 18 ans? Qui parmi vous en a déjà fait partie? Levez la main?

J’ai été quatre années et demie en tout à faire partie de ces groupes.Je sais, il y a beaucoup de préjugés sur ces groupes du fait qu’ils soient associés à l’armée canadienne. Mais sachez que mon implication au sein de ces groupes fait partie de mes meilleurs souvenirs de jeunesse!

Grâce aux cadets, je suis montée à bord de plusieurs types d’avions. Du planeur au bombardier.

Grâce à eux, j’ai appris à piloter un planeur. J’y ai appris à jouer de la musique en groupe! J’y ai intégré un sens de la discipline et du leadership. J’y ai pu devenir entraineuse sportive!

Grâce aux cadets, je sais comment survivre en forêt, sans tente ni équipement.

Bref, je dois beaucoup de mes années passées au sein de ces associations!

J’ai été recrutée dans les cadets quand j’avais 12 ans. C’était à l’escadron 817 de Nicolet. Un beau matin de septembre, un recruteur était passé dans notre école secondaire. Moi et ma petite gang d’amis de l’époque, on s’était dit « pourquoi pas? »

Mais j’ai vite trouvé ça très demandant. Et comme certains membres de ma gang, après 6 ou 8 mois, J’ai démissionné. Sur un coup de tête.

L’excuse a été, si je me rappelle, que je n’aimais pas jouer de la trompette. Que je faisais trop de fausses notes.

En fait, je n’ai jamais aimé jouer de la trompette. En première année du secondaire, j’ai été obligée d’en jouer dans mon cours de musique, car c’est l’un des rares instruments que tu peux jouer à une main. J’ai vite détesté l’odeur de la salive sur le cuivre. Cette odeur me donnait des frissons.

Eurk!

Mais j’ai regretté. Deux ans plus tard, je déménageais à Victoriaville. J’avais 14 ans. Je sentais que j’avais manqué quelque chose en quittant les cadets deux ans plus tôt.

Je me suis réinscrite et j’ai voulu repartir du bon pied.

J’ai recommencé à zéro.

Les cours, le niveau. Tout.

J’ai adoré cette année!

Puis, je me suis retrouvée avec un gang et on avait parti un journal. « Le Garde-à-vous ». J’ai fait partie de la fanfare de nouveau! Mais cette fois-ci, j’y jouais du xylophone.

De beaux souvenirs.

L’année suivante, nous sommes déménagés à Moncton. J’ai poursuivi là-bas. En anglais.

J’ai fait des camps d’été. J’ai été promu caporal. J’y ai rencontré mes deux premières blondes. C’était chouette, les soirées de danse des cadets.

J’y ai alors appris que c’était possible de recommencer à zéro, sur de nouvelles bases et avoir du plaisir à faire ce que l’on fait.

Puis, tout d’un coup, à 17 ans, j’ai quitté.

À la rentrée de septembre, encore une fois, sur un coup de tête, j’ai quitté. Je n’y suis pas retournée.

Pourtant, j’y avais un bel avenir pour les deux années qui me restaient à faire (on doit quitter à la fin de ses 18 ans).

Le nouvel adjudant-chef avait bien aimé le petit journal que j’avais créé avec ma blonde l’année précédente. Il voulait que je sois en charge, monter une équipe et tout et tout.

Et là, j’ai entendu la rumeur comme quoi il y aurait un test de connaissance à la rentrée pour toutes les cadettes et tous les cadets.

J’ai pris peur.

Je n’y suis jamais retournée.

Moi, la petite HPI bollée que j’étais à l’époque, j’ai pris peur… d’un test d’aptitudes?

Encore aujourd’hui, 28 ans plus tard, je ne comprends pas.

Pourquoi ai-je pris peur? Pourtant ce n’est pas un examen qui me faisait peur à l’époque. J’étais toujours parmi les meilleures de classe, sinon la meilleure!

Je ne sais pas. J’ai eu la chienne et je suis partie.

Et je regrette…

J’aurais aimé que mes parents me poussent plus fortement à poursuivre. Mais ce n’est pas arrivé. Probablement à cause de ma tête de cochon…

Finalement, je crois que je regrette plus que j’aurais osé l’imaginer à l’époque, car dans mon rêve récurrent, je retourne aux cadets.

Je me réinscris et je poursuis.

Aspect cocasse, ça se passe toujours aujourd’hui, même si j’ai 45 ans, et je réussis toujours à camoufler mon âge! Il est clair que je serais incapable de passer pour une ado aujourd’hui…

Mais dans mon rêve, je réussis toujours.

C’est bizarre, car je pourrais facilement être officier aujourd’hui.

Les cadets sont encadrés par des officiers adultes, lesquels font partie de la réserve. J’aurais pu facilement y retourner par la suite, en tant qu’officier adulte. Mais je ne l’ai jamais fait. Ça ne m’a jamais tenté.

Ou plutôt, je n’ai jamais eu le courage.

Mais dans mon rêve, je reviens toujours pour m’y réinscrire. Je me revois toujours à aller chercher mon uniforme. Je suis toujours fière d’avoir réussi à m’inscrire. Je demande d’avoir tel badge ou tell grade, qui représentent probablement là ou je me serais rendue si je n’avais pas abandonné. On me le donne chaque fois.

C’est ce rêve que je faisais, encore une fois, quand je me suis réveillée ce matin.

Ces temps-ci, je le fais plus souvent que d’ordinaire.

Ça me rend de mauvais poil, car je me sens nul. Comme si j’essayais de bien terminer les choses dans ma vie et que j’étais incapable de le faire.

Peut-être est-ce relié à mes études doctorales, que j’ai de la difficulté à terminer?

Pourtant, cet épisode de ma vie m’a dompté et je n’ai plus jamais abandonné de projet ou d’implication sur un coup de tête. Ces regrets m’ont amené à développer une grande résilience dans la vie et de ne jamais abandonner de projet pour rien.

Et pourtant, je continue à faire ce rêve…

Bon, je sais que ce n’est vraiment pas dramatique comme rêve. Pour avoir vécu avec des personnes qui ont été abusées, disons, que leurs rêves récurrents n’ont vraiment pas la même ampleur émotionnelle. Ce sont souvent des cauchemars. Ce qui n’est vraiment pas mon cas ici.

Mais quand même, je cherche à comprendre.

Vous avez des pistes d’explication?

©Kumiho’s stories – ou les 9 vies de Julie La Renarde – Tous droits réservés – MMXIX

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