Il était une fois, un petit chaton abandonné sur le bord d’un grand cours d’eau, qui allait connaitre une grande destinée.
Qui aurait cru que ce petit bébé chat couleur rayon de soleil allait régner sur toute une communauté et offrir bonheur et réconfort à quiconque viendrait lui réclamer du soutien?
Un peu comme Moïse sauvé des eaux, le petit chaton allait devenir la Reine Doune qui, bénie des dieux, saura vivre presque éternellement en traversant 21 printemps.
Oui! Oui! Vous avez bien lu. Notre chère Doune a vécu jusqu’à son 21e anniversaire!
Cette histoire pas comme les autres commencent par une belle journée d’été.
La jeune Véronique se promenait tout bonnement dans un champ de blé sauvage, tout près de son chalet familial, au bord du fleuve. Tout à coup, la brise se leva et coucha au sol chaque brin d’herbe. C’est alors que la petite Doune entra en scène comme une star, entre ces brindilles dorées étincelantes et charma la jeune demoiselle qui eut tout de suite le coup de foudre et le goût de l’adopter.
La pauvre, elle avait plein de vers au ventre à force de manger du poisson pourri échoué sur le rivage.
Aucune maman chat devant normalement s’occuper de sa progéniture dans les environs, la jeune Véro et ses sœurs décidèrent de la ramener à la maison.
Qui aurait cru qu’un petit chaton sauvé de conditions de vie aussi difficile finirait par accompagner sa nouvelle maman durant tant d’années?
Vingt ans, c’est carrément le quart d’une vie d’humain! Perdre un animal qui nous a chaleureusement tenu compagnie, cela crée tout un vide.
Encore plus quand cet animal a des caractéristiques qui se démarquent nettement des autres membres de son espèce.
Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelait la « Reine Doune ».
Comme les plus grandes reines, Doune avait un magnétisme divin. Personne ne savait résister à son charme et répondre à ses quatre volontés.
Et si l’on voulait voir ses vœux les plus chers être réalisés, l’on avait qu’à se prosterner devant elle et à lui taper à répétition et sans ménager ses efforts, les flancs jusqu’à l’épuisement de nos bras.
Et paf! Paf! Paf!
Ho! Qu’elle aimait ça la Reine Doune!
Et encore! Paf! Paf! Paf!
Ha! Ce qu’elle était insatiable de recevoir ses petites tapes pleines d’amour!
Elle pouvait recevoir de ces tapes pendant des heures. Généralement, ce cérémonial s’arrêtait quand notre bras n’en pouvait plus de tenir un rythme soutenu.
De quoi apprécier grandement quand nous recevions de la visite : l’on se relayait pour lui offrir ses tapes et elle pouvait en recevoir à satiété.
C’était presque devenu une tradition et notre ami François, qui l’a connue aussi durant toutes ces années, s’était même amusé à un faire un culte.
Au-delà de la reine, il y avait la déesse Doune. Omnipotente, omnisciente, capable de réaliser tous nos vœux si on savait lui donner offrandes et prières. Ha! Ha!
…..
Quand Reine Doune est rentrée dans ma vie, ce petit être cher avait déjà cinq ans.
Je l’ai rencontrée alors que je commençais à fréquenter la belle Véronique. Comme tout bon couple de lesbiennes, nous avons vite aménagé ensemble, après seulement deux semaines de fréquentation. C’est comme ça que cette belle chatte dorée entra dans ma vie.
J’ai tout de suite remarqué qu’elle n’était pas comme les autres chats. Et à l’écrit, ça en est quasiment impossible de faire ressortir tout ce qui la distinguait. C’est également le cas en photo, car la Reine n’aimait pas poser et se laisser photographier.
Colleuse comme pas une, elle adorait se faire flatter dans tous les sens, même à rebrousse-poil.
Quand elle s’approchait de moi pour avoir des câlins, elle faisait son « brrrrouuuuu » légendaire et mettait sa patte sur moi afin que je la prenne et l’étende le long de ma cuisse.
Je pouvais la positionner comme bon me semble. À l’instar de quelqu’un qui fait du yoga, la Reine Doune était adepte de toutes les positions. Pourvu qu’elle reçoive sa dose d’affection.
Moi qui suis retournée aux études dans ces années-là, je peux vous dire que la belle Doune a été la plus merveilleuse accompagnatrice lors des interminables lectures que j’ai eu à faire pour compléter mon baccalauréat, puis mon doctorat.
Elle avait tout un caractère la Reine Doune et n’avait pas froid aux yeux.
Quand nous avons adopté notre petit schnauzer Zack, elle en a vite fait son protégé. Si un autre chien s’en prenait à notre Zack, elle était du genre à s’interposer entre les deux.
Elle en imposait la Reine Doune!
Ce n’est pas pour rien que tous les autres animaux se soumettaient à elle. En dépit de tous les animaux qui ont fait partie de notre ménage, chats comme chien, c’est toujours elle qui se retrouvait au haut de la hiérarchie.
Bien assise sur son « trône ».
C’était entre autres le cas de notre bébé chat Nozoumie, qui s’astreignait à lui lécher le poil et passer derrière elle dans la litière pour bien enterrer ses crottes royales.
Les seules qui étaient capables de lui tenir tête c’était moi et Véronique.
En fait, peut-être pas, à bien y réfléchir…
Si nous avions toutes les deux adopté le nom de famille « Reine Doune » sur nos profils Facebook, c’est peut-être bien parce qu’elle a réussi à avoir le dessus sur nous? Ha!Ha!Ha!
…..
Au cours des dernières années, Doune était passée du statut de « reine » à celui plus ambitieux de « vénérable ».
On le voyait dans ses yeux et dans sa démarche que la vénérable reine Doune prenait de l’âge. Et pourtant, elle tenait bon.
Lorsque je suis allée lui faire un examen complet à ses 19 ans, la vétérinaire était vraiment étonnée de son état de santé pour son âge.
Durant la visite, Doune, qui ne vivait aucun stresse, voulait explorer partout. Tout un changement pour celle qui, dans sa jeunesse, détestait les visites chez le vétérinaire plus que tout!
Mis à part de l’arthrose et des cataractes, tout était OK pour une chatte de son âge. Pas de diabète, pas de problème cardiaque ni d’insuffisance rénale.
« Avec un tel état de santé, Doune peut vivre encore plusieurs années encore. À cet âge, elle vit sur du temps emprunté. Alors, profitez bien de ses dernières années », m’a-t-elle dit.
C’est ce qu’on a fait. On a pris soin de cette petite vieille qui savait encore s’amuser en courant après un petit laser rouge comme si elle était encore un bébé, notre bébé.
Maintenant divorcées, la Reine Doune a eu droit à une garde partagée entre Véronique et moi. D’abord chez moi, avec ma nouvelle conjointe, la superbe Émilie, et ses deux beaux minous Pudding et Skylar. Elle l’a accueillie comme si ça avait été sa chatte toute sa vie.
Mais c’est chez Véronique, avec son amie Nozoumie de longue date et le petit dernier dénommé Pistache, qu’elle allait vivre ses derniers milles.
Elle lui a arrangé plusieurs espaces dignes d’une reine pour se coucher tout en confort ici et là. Elle droit à un traitement royal jusqu’à la fin : son manger mou préféré quotidien et des gâteries.
Mais ces dernières semaines, l’état de la reine s’est mis à se dégrader radicalement. Nous n’avons pas eu le choix que de prendre la décision de la faire euthanasier.
En temps normal, nous aurions fait un repas entre amis, avec tous ceux qui l’ont bien connue, pour souligner la fin de règne de la vénérable Doune et lui donner des derniers câlins.
Mais à cause de la COVID19, cela n’a pu avoir lieu et je n’ai même pas pu assister à son euthanasie.
Les vétérinaires ne peuvent accueillir qu’un seul proche de l’animal. Comme c’est Véronique qui l’avait trouvée, puis adoptée, c’est elle qui l’a accompagnée pour son dernier souffle.
De mon côté, c’est donc à distance, par caméra, à la veille de Noël, comme bien des familles ont fait leurs adieux un de leurs proches dans les hôpitaux, que j’ai dit adieu à ma reine, à notre reine, la Reine Doune.
…..
Si la pandémie m’a volé mes derniers moments avec cette merveilleuse chatte, elle ne saura pas m’enlever tous ces merveilleux souvenirs des quinze ans vécus avec elle.
Certains ne comprennent pas toute la place qu’un animal peut prendre dans nos vies. Certains iront même jusqu’à rire des pleurs et du deuil profond que l’on vit après leur mort.
C’est certainement parce qu’ils n’ont pas eu de Reine Doune dans leur vie.
Doune est rentrée dans mon cœur dès le premier jour. Je garde au fond de mes neurones toutes ces images de Doune se couchant de tout son long pour prendre un bain de soleil, l’un des moments préférés de sa journée dans les froides journées d’hiver.
Ou encore d’elle et de Zack couchés l’un à côté de l’autre sur notre balcon, le vent flattant leurs poils, par un doux après-midi d’été.
Je garde surtout dans mon cœur son fameux « brrrrouuuu » qu’elle seule savait faire quand elle s’approchait de nous pour nous donner son affection.
Et aussi, sa façon bien à elle de venir nous réconforter quand nous avions de la peine et vivions un moment difficile. Et là, maintenant que je pleure Doune en écrivant ces lignes, Doune n’est plus là pour me réconforter.
La Reine Doune s’en est allée dans l’infini, dans un voyage dont elle ne saura pas revenir sauf dans nos rêves et dans nos cœurs.
Ma tendre Doune, je t’aimerai à jamais.
En ce 24 décembre 2020, la Reine Doune est morte. Vive la Reine!
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