En octobre dernier, le diagnostic est tombé : dépression et possiblement burn out.
Ma médecin de famille m’a alors prescrit des antidépresseurs et m’a suggéré d’arrêter toutes activités professionnelles.
Je l’ai écoutée, mais seulement à moitié.
Si je me suis résignée à prendre des antidépresseurs pour la première fois de ma vie, je n’ai pas été en mesure d’arrêter mes activités professionnelles et académiques.
Étant en recherche d’emploi et en recadrage de mes activités académiques, j’estimais impensable d’arrêter ces activités.
« Quoi? Arrêter mes occupations? Ça va me miner le moral! Je ne peux pas arrêter! J’ai des comptes à payer, des dettes à rembourser! Pis je dois arriver en février avec un projet de recherche pour me réinscrire à l’université! », ai-je répondu.
Ouais…..
Tôt ou tard, ça finit par te rattraper.
Malgré les antidépresseurs, ma santé mentale ne s’améliorait pas.
Lors de mon rendez-vous de décembre, ma doc adorée m’a dit : « Tu dois vraiment arrêter Julie. Quelques semaines au moins. Il faut te donner le temps de guérir. Ça fait trop longtemps que tu traines ça ».
Idem au centre Eurêka, qui soutiennent les 40 ans et plus en recherche d’emploi.
« Prends le Temps des Fêtes pour te reposer. Vraiment. Il vaut mieux prendre son temps pour revenir sur le marché de l’emploi bien préparée et énergisée. On se revoit à la mi-janvier. De toute façon, le Temps des Fêtes est le pire moment pour se chercher un emploi », m’a indiqué ma conseillère en emploi.
Bon, ok.
La petite renarde toujours occupée et préoccupée par mille et un projets s’y est enfin résignée.
Voilà presque un mois que je ne fais pratiquement rien.
Oui! Oui! Rien…!
Ça fait presque un mois que je n’ai fait pratiquement rien, sauf organiser Noël et le Jour de l’an, faire mon bilan annuel et préparer notre déménagement en février.
Ça fait un mois que je ne fais… rien.
Ça a été dur…
D’un côté, tu dois prendre soin de toi, mais de l’autre ton portefeuille te dit que tu dois prendre soin de lui.
Mon portefeuille crie famine.
Heureusement, il y a les banques alimentaires.
Finalement, j’y suis arrivée. Tout ça avec le soutien incontesté de ma bien-aimée. Une chance que je l’ai dans ma vie celle-là.
« Et puis? », me demanderez-vous.
Et puis, ça a fait du bien.
Je ne sais pas si je suis guérie.
Mais une chose est sure. Mon moral commence à vraiment mieux aller.
Enfin.
-pause-
…
…
Tout ça me fait penser à un excellent article de la professeure de politique publique de l’Université Stanford, Laura L. Carstensen, publié dans le Washington post récemment. Elle tirait la sonnette d’alarme en se faisant l’apôtre d’une réingénierie complète de la vie des individus.
Pour elle et son équipe du Stanford Center on Longevity, le modèle linéaire école, travail, carrière, économie pour la retraite et retraite, ne tient plus la route.
À une époque où l’espérance de vie dépasse les 80 ans et ne cesse d’augmenter, étudier puis travailler pour amasser un fonds de retraite solide est dépassé.
Elle rappelle avec justesse que ce modèle a été mis sur pied au XIXe et XXe siècle, à l’ère industrielle, alors que les gens vivaient de 20 à 30 ans de moins qu’aujourd’hui en moyenne et passaient leur vie au sein d’une même et seule entreprise.
Aujourd’hui, dépasser les 100 ans est de plus en plus fréquent. Et demain, ce sera probablement la norme : on vivre vieux et, surtout, en meilleure santé que les générations qui nous ont précédées.
On le voit déjà au sein de ma génération. On dit qu’avoir 40 ans, en 2020, est le nouveau 30 ans!
N’est-ce pas?
Les quarantenaires n’ont jamais été en aussi bonne santé et ont l’air beaucoup plus jeunes que leur parent au même âge.
Le nombre de personnes qui tombe des nues quand je leur dis que j’ai 45 ans en fait…
Mais ça, c’est une autre histoire!
Ce qui est le plus intéressant dans son texte, c’est toute la réflexion menée par ce centre sur la longévité. Leur initiative intitulée « La nouvelle carte de la vie » leur a permis de réunir une panoplie d’experts, des ingénieurs aux climatologues, en passant par les experts financiers, biologistes, éducateurs et prestataires de soins de santé.
Leur mandat?
Envisager à quoi ressemblerait une vie vraiment trippante et significative pour une personne vivant un siècle en bonne santé.
Ils ont tout remis en question : les modèles traditionnels d’éducation, de travail, de modes de vie, de relations sociales, de planification financière, de soins de santé, de la petite enfance et des pactes intergénérationnels.
Et la grosse question : comment ces modèles doivent-ils changer pour soutenir une vie de centenaires?
Leur réponse : la flexibilité.
On parle de plus en plus d’instaurer le revenu minimum garanti.
Vous en avez entendu parler?
Il devient de plus en plus pressant de mettre en place ce genre de mesure. Car le futur est à la flexibilité dans les parcours de vie, aux itinéraires adaptés au développement et à l’évolution de chaque personne.
Des itinéraires uniques qui mêlent loisirs, travail, éducation et famille tout au long de la vie.
Encore mieux, permettre aux gens tout au long de leur vie de prendre des pauses pour s’arrêter un peu, se reposer, pour changer de cap, comme c’est déjà fréquent aujourd’hui.
Sauf, qu’actuellement ces changements en milieu de vie coûtent très cher aux principaux intéressés.
Ce qui est le plus intéressant quant à moi dans ce modèle, c’est que la vieillesse ne durerait pas plus longtemps. Ce seraient au contraire, la jeunesse et l’âge moyen qui seraient allongés. L’âge de la retraite, repoussée.
On parle souvent maintenant de « l’adulescence ». Cette période de la vingtaine où le départ de la maison familiale est retardé par rapport aux générations précédentes. On voit déjà les limites des âges divers se prolonger. Il serait temps de s’adapter, non?
Par exemple, face à un monde en continuel et rapide changement, concentrer les études en début de vie ne fait plus vraiment de sens. Les connaissances acquises peuvent devenir rapidement désuètes.
Ainsi, il faudrait désormais voir l’éducation comme un processus qui ponctue la vie.
Les gens feraient ainsi des in and out de la vie active.
Franchement, ce serait une bonne idée.
Beaucoup le font actuellement. Comme moi en ce moment, pour éviter ou pour se guérir d’un burn out. Sauf que le coût monétaire et social est important…
Faire une pause en ce moment, à moins d’avoir un compte en banque assez garni pour ne pas réduire son train de vie durant plusieurs mois, c’est accepter de s’appauvrir pendant un bout de temps.
Dans un tel modèle de in and out, on pourrait aussi prendre encore plus de temps avec ses enfants avec des congés parentaux allongés ou séquencés.
Comme il y aura de bonnes raisons de penser que nous travaillerons plus longtemps, la qualité du travail nécessitera des semaines plus courtes, des horaires plus flexibles, des vacances plus longues.
Bref, étirer la vie professionnelle sans nous tuer au travail. On en est là.
Et ça éviterait d’en arriver ou j’en suis actuellement. Dans la chnoutte, car trop malade pour travailler.
J’en entends déjà dire que c’est utopique.
Je vous répondrai que c’est utopique de penser le futur en maintenant un système désuet d’un siècle passé, ou de nombreuses tâches accomplies hier et aujourd’hui par nous, sont et seront réalisée très rapidement par des machines.
Le futur est déjà arrivé. Il est grandement temps de s’y adapter en tant que société.
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